Délicieux Amis passionnés d’aventures ludiques épiques et dans ce cas psychiques, bienvenue dans l’un des articles les plus complexes que j’ai eu à écrire jusqu’à présent.
Je vais vous présenter le jeu Cerebria qui m’a été envoyé par le délicieux éditeur Intrafin, riche d’un catalogue de jeu de très belle nature. Un grand merci à eux de leur confiance à traiter d’un jeu de ce calibre.
Qui de la Tristesse ou de la Joie allez-vous incarner afin de définir la personnalité de cette psyché en revenir ? Nul n’est bon ou mauvais au fond, nous sommes tous un amalgame d’émotions positives et négatives plus ou moins équilibré, à l’instar d’un damier noir et blanc. Cerebria vous propose de prendre part à cette construction psychique en incarnant un esprit du côté sombre ou clair de l’ambivalence humaine. Lesquelles de ces émotions que vous instillez dans les différents Royaumes virtuels de cette personnalité prendra le dessus ? Partons ensemble à son exploration.
La Mécanique :
Dans Cerebria, 2 à 4 joueurs vont s’affronter en constituant deux équipes : la joie et la tristesse. Elles rivaliseront dans une personnalité en construction constituée de 5 royaumes afin de la dominer. Il s’agit principalement d’un jeu de contrôle de territoire et de majorité.
Une partie est rythmée par 7 à 9 manches au cours desquelles les joueurs doivent remplir des objectifs globaux appelés Aspirations Communes, tout en complétant leurs Aspirations propres pour des bonus de score.
Ces Aspirations consistent principalement à posséder une majorité d’éléments par rapport au camp adverse, octroyant alors des points de victoire et le droit de poser un fragment de personnalité de son camp au centre du plateau jusqu’à obtenir l’obélisque final signant la fin de la partie.
Les joueurs sont représentés par des Esprits, des espèces de créatures plus ou moins mignonnes selon votre camp, qui évolueront au gré de votre stratégie le long des chemins du plateau central afin d’essaimer des émotions et de contrôler les différents royaumes et leurs frontières.
Un esprit est symbolisé par son standee et son plateau joueur. On y trouve une face commune à tous avec des actions semblables quel que soit votre camp ou votre personnage, bien que chacun dispose d’un pouvoir unique asymétrique. La seconde face de ce plateau propose une variante un peu plus experte où les actions présentent des variances d’un Esprit à l’autre et même entre les 2 camps.
Le plateau de votre personnage présente vos actions. Au nombre de 3 par tour parmi les 5 proposées, chacune d’elle existe en 3 niveaux d’amélioration apportant à chaque fois un peu plus de complexité et de possibilités d’optimisation à votre stratégie. Pour les faire évoluer vous défaussez une carte Émotion de votre main, ce qui vous fait gagner le jeton Vibration qui lui correspond. Vous l’attribuez ensuite à l’Action que vous souhaiter renforcer. Prenez soin cependant à ne jamais avoir 2 Vibrations identiques sur une même ligne Action, c’est interdit.
Les différentes Actions à votre portée sont le déplacement de votre Esprit vers différentes zones de la personnalité. L’invocation de cartes Émotion sur le plateau à l’aide d’Essence pour définir leur niveau d’intensité. Les Émotions sont l’un des deux moyens de prendre le contrôle de royaumes, vous octroyant alors une capacité bonus à prix réduit. Le Refoulement des Émotions opposées afin de leur faire perdre leur Essence jusqu’à quitter le plateau lorsqu’elles auront été vidées de toute substance. La Fortification qui permet au joueur de poser une espèce de pierre angulaire face à un royaume, renforçant votre domination d’une valeur 1 à 2. Ce dernier peut cependant être détruit par votre adversaire, mais vous pouvez lui rendre les coups si lui aussi fortifie un de ces royaumes.
Enfin la Transcendance qui consiste à faire évoluer une de vos Émotions lorsqu’elle atteint un certain degré d’intensité. Par exemple la gentillesse deviendra de la bienveillance alors que du pessimisme se transformera en désespoir. Chaque Émotion transcendée apporte de nouveaux bonus immédiats ou actions complémentaires, en plus d’une valeur d’influence souvent bien supérieure à sa version de base.
Il existe également un plateau commun à chaque joueur selon son équipe sur lequel se trouve des Intentions, des événements qui, lorsque vous les atteignez, vous font gagner des points de victoire. Par exemple, pendant votre tour si vous amenez une émotion à son nombre d’essence maximum vous gagnez un point. Il s’agit là d’une stratégie à ne pas négliger pour ne pas vous laisser distancer par l’adversaire si vous réalisez que vous ne pouvez pas prendre l’ascendant sur les Ambitions.
Chaque Royaume est bordé de 2 frontières, et chaque frontière dispose de 3 emplacements d’émotions. Celle au centre influence les 2 royaumes adjacents tant qu’elle ne se retrouve pas inhibée par une carte Émotion adverse. Vos propres émotions ne peuvent s’inhiber entre elles, aussi est-il intéressant d’assurer le contrôle d’une frontière rapidement pour ne pas risquer de voir son influence coupée par l’autre camp.
Durant son tour, un joueur peut Siphonner l’un des réservoirs de volonté au centre du plateau, gagnant alors un effet ponctuel en plus des précieuses gemmes violettes. La volonté est en quelque sorte la monnaie du jeu servant à payer vos actions. Lorsqu’un siphonage a lieu, le plateau central pivote d’1/4 de tour, offrant de nouvelles possibilités de bonus aux prochains joueurs qui aspireront un peu de cette volonté centrale.
Dès lors que l’un des réservoirs a été vidé de toute volonté, la manche prend fin et se déclenche une Révélation ! C’est l’événement indiquant le moment de décompter les points de la manche en cours, d’évaluer la validation des Ambitions communes et privées. Le joueur qui a remporté l’objectif commun place alors un fragment de pilier de niveau 1 pour son camp au centre du plateau, ou de niveau 2 s’il a rempli ses 2 ambitions.
Si un joueur doit placer un fragment mais qu’il n’en possède plus en réserve, il pose alors le sommet de son obélisque, signant ainsi la fin de la partie.
Sous le couvert d’un simple jeu de contrôle de territoire et de gestion de ressources, Cerebria se révèle être un jeu aussi profond que complexe à prendre en main. La difficulté du jeu, à mon sens, ne vient pas tant de sa mécanique que son thème. En effet s’il est facile de comprendre des règles au premier coup d’œil lorsque l’on évoque de l’argent, des gemmes, des points d’évolution, ici il faut composer avec des émotions, des ambitions, de la volonté, etc …
Je ne vous cacherai pas qu’il m’a fallu un certain temps après la lecture des règles et le visionnage de vidéos pour oser me lancer tant je doutais d’avoir bien compris le fonctionnement du jeu. Heureusement une fois la partie lancée, tout semble fluide et plus ou moins logique ! Il faut accepter qu’on ne puisse pas être partout à la fois et choisir quels royaumes l’on veut gagner en priorité.
La gestion des cartes Émotions est très maligne puisqu’on ne se contente pas uniquement de jouer une carte pour un effet sur le plateau. Au contraire elle implique divers degrés de lecture : est-ce que je veux utiliser son pouvoir immédiat ou permanent, son intensité d’essence, la mettre en combinaison avec une autre, bloquer l’adversaire ou améliorer une de mes actions.
Le jeu prend une tournure encore plus stratégique et immersive lorsque l’on passe en mode par équipe.
En effet c’est très surprenant car on se trouve dans un échange permanent de stratégies (et non pas de cartes) entre les 2 partenaires, chacun se séparant pour la conquête d’un territoire ou l’optimisation d’actions. Ce qui est assez étrange, c’est qu’en prenant un peu de recul sur la partie et en rédigeant cet article, j’ai l’impression de parler d’un jeu de guerre et de conquête à base d’armées. Pourtant le thème, lui, est tout autre et se porte à 1000 lieux de ce concept.
Le Matériel et les Illustrations :
Cerebria détonne par son thème, et ça n’aurait pas été lui faire honneur que de ne pas prêter attention et investissement à sa DA. Rassurez-vous le soin qui lui a été apporté est d’une sacrée qualité, tant au niveau du matériel que de ses illustrations.
En effet, la démesure du Plateau impose de bien préparer sa table en amont pour y faire loger les plateaux joueurs individuels et collectifs ainsi que le matériel en réserve. Les cartes sont majoritairement au format Tarot, permettant une bonne lisibilité de toutes les informations dont elles regorgent, sans pour autant empiéter sur les magnifiques illustrations !
L’obélisque central de chaque joueur est gravé sur sa surface ce qui lui donne un peu de personnalité et une manipulation plus qu’agréable.
Je pourrais cependant reprocher la taille parfois trop petite de certains éléments comme le marqueur de score, ou les essences.
Parlons de la Direction Artistique de Cerebria. Je suis CONQUIS. Je trouve que les environnements dépeints pour les différents royaumes sont empreints de nostalgie autant que d’espoir. La dualité permanente mise en avant reflète parfaitement l’âme humaine, ou du moins sa personnalité.
Les Esprits sont, pour certains, assez proches de ce qu’ils doivent représenter. Les courbes gracieuses de l’Harmonie ou la douceur de l’Amour résonnent et se confrontent aux flammes déchaînées de la Haine ou à la morosité qui se dégage de l’Anxiété.
Les Émotions sont, elles aussi, bien représentées par leurs illustrations et l’on peut presque les reconnaître sans même lire leur nom.
J’aime énormément cette ambivalence que me fait ressentir le jeu lorsque je suis assis devant. Tantôt selon le point de vue je le trouve magnifique et épanouissant, jovial et édulcoré, tantôt je focalise sur le côté sombre et déprimant du plateau où tout semble n’être qu’un désert de solitude et une déprimante errance dans l’obscurité. Inconsciemment, ces 2 facettes du jeu jouent sur mon humeur au cours de la partie et je pense que je prête plus attention à l’une qu’à l’autre selon mon ressenti de la partie, quand je me sens coincé et en chute libre ou quand j’entrevois une stratégie qui pourrait me faire gagner la manche.
En Conclusion :
Cerebria, quel jeu !
Tout dans ce titre peut décontenancer ! Tant le thème exploité qui semble à des années lumières d’un jeu de contrôle de territoire, que les illustrations qui paraissent trop mignonnes ou trop sombres pour l’univers proposé.
Et pourtant, Cerebria réussit à marier tous ces genres en un amalgame d’une finesse et d’une complexité pas usurpée. Peut-être vous paraîtra-t-il trop complexe à appréhender ? En effet je ne le recommande pas à un public familial débutant, tant le nombres d’actions bonus, de capacités et de points évolutifs à retenir au cours de la partie sont foisonnants. Quand vous Jouez à Cerebria, assurez-vous de ne pas être interrompu car il va solliciter toute votre attention et votre âme !
J’ai trouvé étonnant la manière avec laquelle ce jeu évoque des concepts ludiques de jeu de guerre à base de troupes, mais uniquement à l’aide de cartes et d’un Esprit. Bien qu’on ne fasse « que » déplacer son pion et poser des émotions, la sensation de guerre et de course à la domination et bien présente.
C’est donc une excellente surprise pour public averti que je vous recommande chaudement, plus encore si vous avez la possibilité de réunir 4 joueurs à la table pour des parties stratégiques et psychiquement épiques.
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