Délicieux aventuriers de tous poils, bienvenue dans ce somptueux univers fantastique médiéval que nous aimons tant ! C’est avec joie que je vous invite à incarner des quidams aux rôles aussi divers que variés. Serez-vous une religieuse, mais pas en chocolat ? Un soldat ne se laissant plus traiter comme un pion ? Un chasseur mais pas de tête ?
Aujourd’hui j’ai l’honneur et le privilège de vous présenter Destinies des Lucky Duck Games.
Ce jeu lancé sur Kickstarter, initialement associé à l’univers de Joan of Arc est désormais indépendant de toute franchise.
Je remercie chaleureusement l’éditeur de m’en avoir fait parvenir une boîte à découvrir afin de vous la présenter.
Ayant énormément de choses à dire sur ce jeu, ne perdons pas une minute et rendons-nous sur la présentation de ses mécaniques.
La Mécanique :
Destinies est un jeu particulier, à la croisée entre le jeu de rôle et le jeu d’aventure assisté par une application. On y retrouve le concept bien maitrisé par l’éditeur dans Chronicle of Crimes : flasher des Qr Codes pour faire interagir des personnages avec des éléments.
Cette dernière prend également en charge la narration des événements, l’enregistrement du résultat de vos tests tout en développant leur issue.
Elle guide également l’installation du plateau central représentant la région où vous intervenez. À l’instar d’un « Demeures de l’Épouvante V2 » ou « Voyage en terres du milieu », l’application vous indique quelles cartes Terrain installer autour de votre position, tout en précisant les lieux importants et les rencontres disponibles sur celles révélées.
Après une description de l’intrigue du scénario choisi, 1 à 3 joueurs sélectionnent leur personnage parmi les 3 disponibles pour cet épisode. Comme le nom du jeu le laisse entendre, les avatars ont chacun une destinée à réaliser au cours de l’aventure afin de remporter la victoire.
Cette destinée peut être accomplie de 2 manières différentes mettant souvent en opposition la force brute et la diplomatie, mais pas uniquement. Cette destinée est secrète, aussi chaque joueur suit son chemin en gardant un œil sur celui des autres, tentant de comprendre ce qu’ils doivent faire.
Oui vous avez bien compris : Destinies est compétitif ! C’est une pratique extrêmement rare dans les jeux d’aventure misant sur la collaboration des joueurs vers un but commun. Ici, disons que le but de chacun est plus ou moins le même, mais l’intention derrière les quêtes est différente.
À son tour, un joueur réalise 3 actions : il régénère un dé d’effort, il se déplace jusqu’à 2 cartes Terrain sur le plateau central, puis il résout l’exploration d’un seul lieu important sur sa nouvelle zone.
Sur son plateau, l’aventurier reçoit 2 dés pour résoudre les tests auxquels il se confronte. Il peut y ajouter des dés d’efforts régénérés à chaque nouveau tour ou lors de certains événements favorables.
Les tests sont de 3 natures : l’intelligence, l’adresse, la force, plutôt basique.
L’originalité provient de la configuration des attributs de chaque personnage. Sur les 3 jauges sont posés des pions marquant vos différents « degrés de compétence ». Tout pion se situant sur ou en deçà de votre résultat au test compte comme une réussite. Le nombre de réussite définit votre échelle de succès face à une épreuve et les récompenses qui en découlent.
Ces pions sont amenés à évoluer au cours de votre quête lorsque vous gagnez un bonus ou que vous vous épuisez dans une action. En déplaçant un pion vers une valeur plus basse, vous favorisez vos chances d’obtenir une réussite grâce à ce dernier. En cas de blessure, vous déplacez un pion vers la droite et rendez un succès plus complexe à atteindre.
Ce concept génial et original rend la progression des attributs très intuitive et facile à équilibrer.
Des points d’expérience acquis au cours de vos tribulations auront un énorme impact sur votre personnage. En dépensant un point d’XP, vous diminuez un jeton compétence de 2 cases ou deux jetons d’1 case.
Des pièces d’or glanées au gré de vos larcins ou récompenses vous offrent l’opportunité d’acheter de l’équipement et des armes. Limités à 5 par joueur, des choix sont à faire pour pallier intelligemment aux embuches se dressant sur votre route. Si la plupart des objets sont défaussé après leur utilisation pour vous octroyer un avantage, des artefacts plus puissants vous apportent des effets permanents.
Votre équipement peut être utilisé soit pour son effet, en lisant le texte de la carte, soit en flashant son QR code pour résoudre une énigme ou une épreuve sans lancer les dés. Vous n’êtes pas pris par la main dans ce jeu ou le mystère et la déduction sont importants, aussi réfléchissez bien et restez logiques dans vos choix.
Une fois réunies les conditions pré-requises de votre destinée, votre héros doit se rendre à son lieu de rendez-vous déclenchant son interaction finale. Celle-ci vous confronte à plusieurs choix qui rendent le dénouement plus ou moins long. Aussi la victoire peut vous échapper si vous vous faites rattraper et dépasser alors que vous étiez en plein dénouement.
Comme vous le comprenez, Destinies fait preuve d’une belle maturité et d’un perfectionnement de son concept grâce à des règles simples à comprendre et au peu de mécaniques proposées. Rien n’est en trop dans cette aventure narrative, l’équilibre entre richesse et simplicité est parfaitement atteint.
L’évolution de votre personnage est très intuitive et dynamique. Vos points de compétences évoluent régulièrement au gré de vos échecs et réussite aux tests. En effet la logique d’un échec à une épreuve consiste globalement à perdre un point de compétence, mais à gagner un point d’expérience. En résumé : blessé, vous vous retirez et réfléchissez à vos erreurs pour revenir plus fort au tour suivant. C’est très intelligent comme système car il permet soit de réalouer la progression des bonnes compétences requises pour le test à venir, ou mieux répartir vos attributs.
Les Objets sont de remarquables atouts qu’il faut savoir utiliser avec parcimonie. En effet défausser un équipement peut sembler anodin, mais lorsqu’il vous fait défaut sur une épreuve demandant un peu plus de réussite, vous risquez de vous en mordre les doigts et de perdre de précieux tours.
Car oui, n’oublions pas que Destinies est compétitif ! Ce n’est pas le tout de devenir le plus grand et puissant guerrier de la contrée, il faut le faire vite, en prenant garde de ne pas perdre trop de temps sur des quêtes annexes ou des explorations secondaires.
Malgré cette course « individuelle » vers l’accomplissement de votre destinée, il est très important de prêter l’oreille aux rencontres de vos adversaires. En plus de cerner ce qu’ils doivent faire, ils pourraient vous révéler des endroits ou des personnages importants pour votre quête.
Une fois la partie terminée, un épilogue narratif vous décrit l’évolution de la région selon les préceptes portés par votre héros en suivant sa destinée. Souvent le perdant se retrouve inclus dans cette conclusion, en étant dépeint comme un paria inadapté à ce nouvel ordre qui a disparu, fuit ou fondé son propre culte ailleurs. J’adore ce détail qui inclut dans l’histoire tous les joueurs et pas uniquement le vainqueur. Les destinées et la quête principale sont souvent croisées entre les différents héros, conduisant à des rebondissements épiques.
Le Matériel et les Illustrations :
Fort d’une mécanique simple, le matériel nécessaire pour jouer à Destinies est lui aussi réduit mais pertinent.
Les dés sont de très belle qualité, irisés et joliment gravés.
Les pions sont d’une épaisseur remarquable, penchant à l’excès. En effet, je ne comprends pas l’intérêt de propose des pièces de 3 à 4 mm d’épaisseur. Ils sont certes plus faciles à manipuler tout en semblant d’une dimension superflue.
Les cartes terrain sont somptueuses. D’une taille énorme, elles mettent en avant le travail d’artiste de l’illustrateur, puisqu’à part une petite rose des vents et un numéro d’identification, rien ne vient les entacher. Elles forment un paysage parfaitement adapté à l’époque médiévale, révélant suffisamment de détails pour coller à l’aventure narrative zone par zone, sans pour autant proposer une débauche d’éléments et d’indices à repérer.
Leur recto dans le brouillard entraîne une surprise à chaque révélation du terrain qui prend alors vie dans ses couleurs et sa mise en scène.
Hélas Destinies n’est pas exempt de défaut, même s’ils sont difficiles à trouver. Le principal (et probablement l’un des seuls) est selon moi la taille des figurines.
En effet le jeu initialement estampillé « JoA » devait proposer des figurines de taille similaire à celle du jeu de batailles historiques afin de les rendre compatibles.
Elles mesurent environ 15 mm et croyez-moi c’est très très petit ! Ce qui me dérange ce n’est pas tant la manipulation de ces dernières car finalement, à par notre avatar, elles ne bougent pas vraiment. Non le gros hic tient dans le repérage de ces figurines lorsque l’on doit les placer sur le plateau.
Bien qu’elles soient relativement détaillées pour des figurines de cette dimension, mes yeux de pré quarantenaire peinent à les identifier. J’ai pourtant une bonne vue et ne suis pas presbyte. Mais je vous garantis que je m’arrache les cheveux à chaque fois que je dois placer un nouveau personnage sur une zone.
Néanmoins je pense que je n’aurai pas de problème lorsqu’il s’agira de positionner le démon majeur… N’y aurait-il pas eu un juste milieu à trouver ?
En Conclusion :
Je suis rarement inconditionnel dans les éloges que je fais à un jeu lorsqu’il me plait.
Mais sans réserve aucune je peux vous affirmer que Destinies est une perle ludique narrative et d’aventure regroupant le meilleur de ce qui se fait dans ces différentes catégories.
J’étais circonspect avant de le découvrir, repensant à ma grande déception du jeu : « Voyage en terre du milieu ». La fastidieuse alternance plateau / application lors de l’installation du terrain m’avait rebuté au plus haut point. Dans Destinies, les mécaniques simples rendent moins rébarbatifs ces allers-retours qui, finalement, me paraissent également moins présents que dans le jeu sur l’univers de Tolkien. Je trouvais le même défaut aux Demeures de l’épouvante, mais là encore Destinies tire son épingle du jeu.
Tout dans Destinies est raffiné et captivant sans jamais négliger l’intérêt, la complexité et la richesse de son contenu. De la gestion des compétences et des équipements, innovante et intuitive, à l’exploration des régions conduisant à des quêtes passionnantes et à la narration d’excellente qualité, tout me séduit dans Destinies.
Tout ? Disons presque tout.
En effet, la dimension des figurines, bien qu’assez anecdotiques dans l’ensemble du jeu, est trop petite et désagréable pour les identifier. Ce qui contraste étrangement avec le soin apporté à la taille et à la qualité des autres éléments comme les cartes Terrain ou les jetons.
Un autre détail que je trouve frustrant, moi qui suis désormais conquis par ce jeu : le faible nombre de scénarios. La boîte de base en propose 5, chacun offre 3 arcs narratifs autour de 3 héros, ce qui vous offre grosso modo une 15 aines de parties. Cependant la connaissance acquise à l’issu d’un scénario est un énorme facilitateur lors d’une seconde partie sur la même aventure. Vous risquez, comme moi, de perdre l’enthousiasme de la découverte au profit du calcul et de l’optimisation, tuant ainsi l’essence même du jeu. Les heureux détenteurs du Kickstarter ont la chance de voir la durée de vie rallongée avec plusieurs extensions. J’aurai aimé plus de missions pour ne jamais sentir la fin venir !
Néanmoins, Destinies démontre que la qualité d’un jeu ne se résume ni à un matériel plétorique, ni à une durée de jeu indécente.
Un excellent concept réalisé avec intelligence, un contenu passionnant d’une qualité indéniable et une mécanique équilibrée entre plateau et application propulsent Destinies au rang de meilleur jeu de ce premier semestre 2021.
Je suis conquis, j’espère que vous le serez aussi car il le vaut bien !
18 mai 2021 at 7 h 02 min
Bonjour cher Dandy,
J’aimerai savoir si le jeu est intéressant en solo. Je ne sais pas si tu as testé cette configuration. J’ai l’impression que ça perd en saveur comme ça !
21 mai 2021 at 7 h 12 min
Bonjour Délicieux Cheese.
En solo le jeu te propose 2 modes : Exploration et Challenger.
Dans la première variante, tu as le temps d’explorer la carte et ses épreuves à loisir pour réaliser ta destinée.
Dans la seconde, tu es limité en nombre de tours pour progresser dans ta destinée.
Le jeu se transforme vraiment en une sorte de jeu de rôle en solo, mais il prend également plus de temps car tu ne bénéficies plus de la connaissance offerte par l’exploration de tes adversaires.
Cependant il reste tout aussi immersif et passionnant !